Ogres

Dans les contes de nos pères on parlait d’ogres :
Des ogres terrifiants, mangeurs d’hommes.
L’histoire parle d’espèces de fauves au fond
Des forêts : des mangeurs d’hommes.
Quelle horreur et quel dégoût d’y penser.
Cependant, parmi nous, tout près,
Il en est qui dévorent les autres. Tout crus, oui.
Des ogres qui sucent le sang jusqu’à la dernière goutte.
— Je ne peux pas croire qu’il existe parmi nous
Des gens aussi cruels, aussi lâches ;
Il faut que ce soient des insensés.
— Non, aveugles ! Oh, ils ont l’œil vif, mais
l’esprit obscurci, ou plutôt le cœur.
Ils ne voient pas comme la vie des autres est difficile
Et ils attaquent, griffent, rongent, écorchent
L’autre jusqu’à son dernier sou.
Et toi, travaille si tu veux, jour et nuit, sans cesse
Comme une bête de somme. Pire.
Dimanche, fêtes, chaque jour sans répit,
Jusqu’au cimetière.
Eux par contre se promènent, roulent, font aller
l’éclair de leurs voitures par-ci, par-là,
ils courent après leur plaisir : les ogres.
Et toi, mon pauvre… Gare à toi si tu te trouves
sur leur route avec ta vieille carriole ou
ta vieille jument…
Prends garde !
On t’aplatira comme un œuf, comme un
champignon !
Tu vois bien que toute la route
est à eux…
Avec un peu de chance, pourtant, tu pourras
passer sous une bordée d’injures.
En français naturellement. Ça, c’est une langue civilisée.

Mai 1964

(Traduction Paol Keineg)

Ce poème en breton

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