Petites choses agréables

— Un agneau qui rumine, les yeux mi-clos, près de sa mère.

— Des canetons sur une mare, pareils à des jouets d’enfant.

— Un chiot, qui semble profondément endormi, et qui se met à
grogner dans son sommeil.

— Le premier hennissement d’un poulain.

— Une chatte noire enroulée au soleil, qui ronronne à son chaton blanc qui tète.

— Contre le ciel bleu pâle, la petite branche flexible d’un sapin noir où se balance un corbeau.

— A la saison des nids :
Sur la route aux charrettes, deux fauvettes. Le mâle, plumes
gonflées, danse et fait le malin devant sa femelle.

— Un poussin nouvellement éclos qui gratte, sort un vermisseau, se sauve proie au bec, poursuivi par ses frères qui tentent de le voler.

— Un petit chien endormi sur la veste de son maître au bout du sillon.

— Un écureuil grignote une pomme de pin, assis de façon comique sur une branche. Tout autour l’odeur du thym.

— La grande roue d’un moulin qui moud l’eau en une écume aussi blanche que du froment.

— Une grande araignée grimpe sur un mur blanc un soir que vous broyez du noir. Vous n’êtes pas superstitieuse. Pourtant, une espérance ténue vous traverse soudain.

— La musique que fait une châtaigne en dégringolant de la cime de l’arbre : une petite note à chaque feuille.

— Par un jour de grand vent : les efforts d’une pie, brindille au bec, qui vole de travers pour atteindre son nid à la haute branche de l’orme noir !

— Un roitelet chante gaiement. La queue tellement raide, dressé à la pointe de la vis du pressoir.

— Des nèfles qui mûrissent (semblables à des roses brunes) dans un fourré dépouillé. Leurs dernières feuilles si ardentes que le soleil semble avoir trouvé refuge dessous.

— Un poulain cueille un morceau de sucre dans la paume d’un enfant.

— Une poulette chante son orgueil et son admiration d’avoir pondu son premier œuf.

— Le murmure d’un ruisseau invisible sous la ciguë.

— Deux jumeaux dans le même berceau.

— Une nichée de mésanges prêtes à s’envoler. Une à une elles jaillissent du trou dans le mur de la vieille maison. Regardent étonnées et inquiètes le grand monde. Prennent leur élan vers les ifs de l’autre côté de la cour.

— La rosée du soir sur une lande. Les pièges légers et innombrables des araignées ressemblent aux Hollandais volants des rêves. Ou à des fleurs d’argent éparpillées sur l’ajonc vert.

— Trois petits garçons sur l’écluse. Penchés sur le miroir délicat de l’étang, les trois ont plongé pour tenter d’attraper leur image. Quel ravissement de les voir nager, les trois grenouilles.

— Une rose blanche pendant les mois noirs.

— Par la petite gouttière du pressoir : le jus des pommes se déverse dans la cuve comme un torrent d’or.

— La dernière dans l’arbre. Une feuille rousse tremble dans le zéphyr (c’est ce que vous pensiez). Mais voilà qu’elle se met à chanter ! Quel bonheur, une feuille qui chante !

— Vous êtes prise d’un caprice : aller voir la forêt sous la neige. Un beau tableau : une touffe de houx d’un vert noir brille de toutes ses boules rouges.

— Un petit cours d’eau : eau transparente, sable jaune, galets blancs. Au milieu du ruisseau une pierre moussue. Une bergeronnette y atterrit.
A petits bonds, elle tourne et virevolte. Se voit dans l’eau… Mais en frappant le miroir du fouet de sa longue queue, elle brise l’image en mille morceaux. Furieuse, elle disparaît.

— Qu’y a-t-il de plus agréable aux yeux d’un homme que les cheveux blancs de sa mère ?

— Vous avez tellement aimé ses poèmes. Que de fois vous avez relu ses romans quand vous vouliez chasser les idées noires.
Vous auriez tant aimé entendre sa voix, une fois dans votre vie.
Et voilà, ô merveille ! Par le miracle des ondes un jour le voilà qui vous parle.
O plaisir. Cette voix si douce, si pleine, si jeune encore. Jamais pareille musique n’a caressé vos oreilles.
Quelle erreur de m’être imaginé qu’il pût avoir la voix enrouée ou aigre d’un vieillard.
Et vous songez à la bonté du Seigneur qui a gardé pour vos vieux jours la caresse d’une voix qui aurait ébloui votre cerveau quand vous l’aviez entendue il y a de cela soixante ans !

(Traduction Paol Keineg)

Ce poème en breton

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